Ma visite à Auschwitz dans le cadre
d’un voyage scolaire organisé en mars 2002
Nous sommes
partis très tôt le jeudi matin pour prendre l'avion jusqu'à Cracovie. A
Cracovie, un car nous attendait. Je n'étais jamais allée en Pologne et ce pays
m'a paru très différent de la France. Il m'a semblé très gris et très triste.
Pendant le trajet en car, un rescapé d'Auschwitz nous a raconté son histoire,
pourquoi et comment il était arrivé à Auschwitz. Enfant issu d'une famille juive,
il avait été arrêté une première fois. S'étant échappé du camp de transit de
Drancy, il avait été repris le jour même de son anniversaire pour être déporté
cette fois-ci vers Auschwitz. C'était la troisième fois qu'il retournait à
Auschwitz. Avant d'arriver au camp d'Auschwitz, nous avons longé la voie
ferrée. Je me suis dit que 60 ans plus tôt, des gens avaient été transférés par
centaines dans des wagons à bestiaux par cette voie, sans savoir où ils
allaient, et que seulement 3% d'entre eux étaient revenus. Moi, j'avais de la
chance, j'étais assise dans un car, j'avais de quoi manger et surtout, j'étais
sure de revenir. J'ai été choquée en arrivant par les panneaux d'indications,
annonçant : "Auschwitz musée". Ce terme, musée, m'a parut un peu
déplacé pour signaler cet endroit. J'ai pensé qu'on allait
pas visiter un endroit où des milliers de personnes étaient mortes comme on
allait visiter des ruines romaines, mais plutôt pour ne pas oublier ce qui
s'est passé et faire en sorte que personne n'oublie.
Une fois
arrivés devant le camp, vers 10 heures, on nous a fait passer dans un bâtiment
avant de se retrouver sous l'insigne "Arbeit macht frei"(Le travail rend
libre). Chaque groupe était composé d'une vingtaine d'élèves avec leur
professeur, d'un guide, et d'un rescapé. Le guide devait nous expliquer les
faits historiques et matériels et l'ancien déporté, les faits émotionnels. Le
déporté qui nous accompagnait n'a rester à peu près
que deux heures avec nous, ensuite, l'émotion étant trop grande, il est
retourné dans le car. Nous ne l'avons pas revu de la journée. En voyant
l'enseigne, j'ai eu envi de prendre une photo en me plaçant dans un coin et en
partant du bas. Ce cadrage m'a donnée l'impression d'être minuscule par rapport
à cet endroit, immense et imposant. On nous a expliqué que jamais la phrase
marquée sur l'enseigne ne s'était révélée être correcte. Ce n'était qu'une
façon de plus pour les nazis de duper les prisonniers. Nous avons pu constater
que le système de sécurité mis au point par les nazis était très sophistiqué.
La distance entre chaque mirador était très courte et un écart entre les deux
rangées de barbelés permettait aux gardes de circuler et d'abattre un
prisonnier s'il approchait de trop près les barbelés. Chaque matin les
prisonniers étaient comptés sur la place d'appel et le soir, le même nombre de
prisonnier devaient rentrer au camp. C'est pourquoi en
revenant du travail, les vivants devaient porter les morts. Si le compte
n'était pas bon, les kapos devaient recommencer. Cela pouvait prendre des
heures. En cas de fuite, les sirènes des miradors se mettaient à sonner, les
nazis cherchaient les fugueurs pendant trois jours. Après ce délai, la
recherche des prisonniers se remettait entre les mains des autorités
allemandes.
Après être
passés sous l'enseigne, nous avons traversé une grande allée. Le rescapé qui
nous encadrait, nous a raconté que lors de se dernière visite à Auschwitz, il
s'était retrouvé seul dans cette allée, et bien qu'étant seul, plein de
fantômes étaient avec lui. Nous avons commencé la visite d'Auschwitz 1,
principalement le camp des hommes, par le visite du
Block 11. C'est dans ce block, que les membres de la Gestapo se réunissaient
pour discuter du sort des prisonniers qui avaient enfreint les lois du camp. La
plupart du temps la sentence était la mort. Les cellules situées à un étage
inférieur, étaient toujours pleines. Elles étaient bondées et les prisonniers
étaient enfermés à onze au minimum sur trois m². Mais il y avait un autre type
de cellule, des espaces d'1 m² bétonnés jusqu'au plafond. Ici, les prisonniers
étaient entassés à quatre ou cinq, ils rentraient par une petite trappe au sol.
Ils allaient travailler mais ne pouvaient pas se reposer en raison de
l'étroitesse de la cellule et la majorité mourrait au bout de quelques jours.
C'est dans ce block que se faisaient les piqûres de Phénol. Le Block 11 est le
seul de tous les Blocks à avoir été laissé tel que les Russes l'ont trouvé.
Dans la cour de ce Block, se trouve le mur des fusillés, c'est à cet endroit
que les victimes étaient tuées. Personne ne voyait jamais ce qui se passait
dans cette cour puisque les fenêtres étaient barricadées et l'entrée bloquée
par une énorme porte de bois. De plus, les exécutions se faisaient de jour
lorsque les prisonniers étaient au travail et le transport des corps le soir
quand il faisait nuit. En nous déplaçant de là, pour aller à un Block consacré
à la Shoah, nous sommes passés devant la place d'appel. Nous avions très froid,
mais quelqu'un nous a rappelé : "Imaginez vous sur cette place, en plein
hiver lorsqu'il fait -30°C, en pyjama, et là vous saurez ce qu'est avoir
froid."
Dans ce
Block, renommé le Musée Juif, nous avons pu voir à l'aide d'images, la montée du nazisme, la
prise du pouvoir par Hitler en 1933 et l'effet des lois antisémites. Mais on
nous a aussi donné des informations sur les ghettos, dont l'insurrection de
Varsovie, et sur la résistance à Auschwitz. C'est ainsi que j'ai su que le Sonderkommando, kommando chargé
de sortir les corps des chambres à gaz et de les faire brûler s'était révolté.
Ils avaient tué 3 S.S et fait sauter un four
crématoire, mais les représailles, comme on pouvait l'attendre, ont été très
lourdes, ils ont tous été tués et les quatre filles qui avaient dérobé les
explosifs ont été pendues pendant plus d'une semaine. Mais il y avait aussi des
photos des fosses communes. Les nazis, ont utilisé ces fosses bien avant les
chambres à gaz. Mais trouvant que la distance entre la victime et le
persécuteur était trop petite, ils ont recherché un procédé où le persécuteur
ne voyait pas le victime, allant plus vite, laissant
moins de traces et où la victime n'était pas consciente qu'elle allait être
tuée. Les photos de ces fosses sont horribles, des centaines de corps entassés,
maigres comme pas possible et avec les membres de leur corps complètement
tordus.
En sortant du Musée Juif, nous
sommes passés devant une potence collective, là on pendait les prisonniers, ils
y restaient au moins une semaine. Chaque jour les autres prisonniers passaient
devant eux. Les nazis les laissaient ainsi pour montrer aux autres ce qui
pouvait arriver en cas de révolte. Mais les prisonniers qui avaient tenté de
s'évader mais qui avaient été repris étaient aussi exposés aux yeux de tous
avec une pancarte autour du coup disant : "Ich bin da" (Je suis de retour). Nous nous
sommes ensuite dirigés vers un autre Block, destiné aux objets des déportés.
C'est ce block là qui m'a le plus marqué. A l'intérieur se trouvaient des piles
de lunettes mais aussi des vitrines pleines de brosses à cheveux, de peignes,
de brosses à dents. Mais aussi de casseroles, de valises ou de chaussures. Le
plus impressionnant pour moi, a été une vitrine remplie de cheveux. Les nazis,
qui rasaient les cheveux des prisonniers, les revendaient ensuite à des industries
de textiles. Tous les objets de valeur, mais aussi les dents en or et l'argent
étaient renvoyés à la banque nationale allemande. Il faut savoir que lorsqu'une
personne riche avait été remarquée avant de rentrer dans la chambre à gaz,
lorsque l'on sortait son corps, on la disséquait car elle aurait pu avaler ses
biens les plus précieux (bagues, colliers…) Dans une salle proche, il y avait
une reconstruction d'un des crématoire à Auschwitz-Birkenau,
et à côté de cette reconstruction, il y avait un tas de boîtes de Zyclon B. Mais ce que j'ai trouvé de plus choquant, c'est
que dans ce musée, il y avait un vase dans lequel il y avait des vraies cendres
humaines provenant des crématoires. J'ai trouvé ça bizarre d'exposer ces
cendres. Ce qui est étonnant, est que ce qui est exposé n'est qu'une infime
partie de ce qui est réellement passé entre les mains des nazis. Avant de
quitter le camp, les nazis avaient fait sauter leurs entrepôts pleins dans
lesquels étaient entassés les objets de leurs victimes. Or ils ont oublié
qu'une partie avait été transportée dans d’autres locaux.
Après la
visite de ce musée, on nous a emmené vers la chambre à gaz. Sur le côté, avant
d'entrer, il y avait une potence individuelle. C'est sur cette potence que Hoess, le commandant du camp et le "fondateur"
des chambres à gaz fut pendu. Il fut pendu dans son propre camp sur la potence
qu'il avait fait construire. Le moment où je me suis sentie le plus mal à
Auschwitz, c'est lorsque l'on nous a fait entrer dans la chambre à gaz. Tout d'abord
parce que c'est une pièce minuscule qui a l'allure d'une cave et qui fait des
milliers de morts, mais aussi car ce fut le tombeau de beaucoup de gens. Un
dicton à Auschwitz disait : "Tu entre par là, mais tu ressort par la
cheminée." Moi j'y suis entrée, et j'en suis ressortie intacte. De cet
endroit, les corps étaient transportés dans un chariot que des rails reliaient à
la salle des fours. Ils étaient ensuite brûlés.
C'est vers
deux heures de l'après-midi que nous avons fini de visiter Auschwitz 1. Je
n'imaginais pas Auschwitz 1 comme ça du tout. Je voyais les baraques plutôt
comme des hangars, or là j'ai trouvé des habitations de deux étages en briques.
J'imaginais aussi le camp beaucoup plus grand, or Auschwitz 1 en lui-même ne
fait que trois hectares. J'ai aussi été déçue qu'une partie du camp n'ait pas
été laissée telle qu'elle a été trouvée. Peut-être que cela aurait été horrible
à voir, mais au moins cela m'aurait permis de me rendre compte de ce qu'était
vraiment Auschwitz. L'un des problèmes que j'ai rencontré en visitant
Auschwitz, est que je croyais ce que me disait le guide ou le rescapé mais je
ne pouvais pas l'imaginer.
Nous avons
mangé pendant le trajet pour aller à Auschwitz-Birkenau,
situé à trois kilomètres du camp principal. Birkenau était une annexe
d'Auschwitz mais le camp était beaucoup plus grand. Le camp lorsqu'il a été
bâti a été construit sur des marécages. Beaucoup des baraques ont été détruites
majoritairement celles en bois. Dans chaque baraque il y avait environ 600 personnes.
Dans la baraque était installé un système de chauffage mais il ne fonctionnait
quasiment jamais. Tout d'abord parce que cela revenait trop cher mais aussi car
le système était mal construit et ne pouvait pas fonctionner. On ne pouvait pas
dormir dans les baraques mais seulement se reposer. Dormir était impossible, à
cause du bruit, mais aussi à cause de l'inconfort et des odeurs.
Les
latrines étaient un élément incontournable dans le quotidien de chaque
prisonnier. Elles étaient toujours bondées, sauf quand les prisonniers étaient
au travail et qu'ils avaient interdiction de rentrer au camp. Les prisonniers y
allaient le matin après le "déjeuner" et le soir en rentrant du
travail. Les latrines que j'ai vues étaient en béton, mais on nous a dis que du
temps de la guerre, elles étaient recouvertes de mousse à cause des maladies.
Les prisonniers quand ils allaient aux latrines, en s'asseyant devaient tenir
la main du voisin d'en face pour ne pas glisser dans le trou, et pourtant
celui-ci n'avait pas un diamètre très large.
Après avoir
visité les baraquements en bois, nous sommes allés voir les baraquements en
briques. Ceux-ci étaient beaucoup plus grands et plus spacieux. On a pu
distinguer nettement deux pièces très petites vers l'entrée, une qui servait à
déposer des choses quelconques et une autre qui était la pièce où logeait le
kapo. C'est dans une de ces barques, que notre guide nous a raconté qu'il
arrivait que des femmes accouchent dans les camps. Leur grossesse n'étant pas
visible lors de la première sélection, elles allaient travailler. Ce n'est que
lorsque leur grossesse devenait vraiment visible qu'elles arrêtaient de
travailler. Ce n'est que là que les kapos les laissaient vraiment tranquilles.
Mais elles accouchaient dans des conditions d'hygiène épouvantables et au
début, après qu'elles eussent accouchées on tuait leur enfant sous leurs yeux
et elles ensuite. Mais vers le fin de la guerre on
commença à garder les enfants, et quelques jours après leur accouchement les
mères retournaient au travail. Alors qu'on se trouvait dans un de ces
baraquements, j'étais tout près d'une des couches et pourtant je n'ai pas osé
la toucher.
Après avoir
visité les baraques nous sommes passées près d'un des crématoriums, mais les
nazis lors de leur fuite l'avaient bombardé donc il ne restait que des ruines.
Nous nous sommes ensuite rendus vers un monument qui
fut établi pour rendre hommage aux morts. Chaque pays possède une plaque avec
une inscription écrite dans sa propre langue. Au cours de cette cérémonie, chaque
collège a dû lire un poème, j'avais choisi un poème écrit par un rescapé
d'Auschwitz, Maurice Honel, intitulé "Le
pire". Je n'ai pu en lire qu'une partie car il était trop long et nous
n'avions pas assez de temps. Pendant ce temps, 41 bougies furent allumées pour
se remémorer les enfants d'Izieu arrêtés par Klaus
Barbie et conduits dans les chambres à gaz d'Auschwitz. Ensuite, après un
discours animé par Serge Karlsfeld, nous sommes
retournés dans le car et repartis vers Cracovie.
J'ai eu
l'impression que la cérémonie était faite à la va vite et je m'attendait à
quelque chose de plus sérieux et de moins rapide. Birkenau correspond mieux à l’image que je me faisais d'Auschwitz.
Pendant le voyage du retour, nous avons pu reparler avec le rescapé. Il a très
gentiment répondu à nos questions et cela a permis à notre groupe, qui n'avait
pas pu connaître les émotions d'un rescapé lorsqu'il visite Auschwitz, de
compléter cette approche. Le plus dur pour moi, a été le retour, de penser que
nous sommes rentrés mais que tous les prisonniers d'Auschwitz n'ont jamais revu
les leurs, et pourtant nous sommes allés au même endroit. Cette journée m'a
fait réaliser que tous les problèmes qui peuvent nous paraître importants ne
sont rien à côté de ce qu'ont vécu les prisonniers d'Auschwitz. il ne faut pas l'oublier et cette initiative au près des
adolescents pour conserver la mémoire me semble fondamentale car de futurs
adultes et de futurs parents pourront lutter contre l'oubli. On ne peut pas
oublier Auschwitz et même ceux qui y ont survécu en gardes d'importantes
séquelles, physiques, un tatouage sur le bras qui ne s'efface pas, et morale,
des cauchemars les hantent encore chaque nuit.