Sobibor, 14
Octobre 1943, 16 heures
Sobibor,
14 Octobre 1943, 16 heures, lieu, jour, mois, année, heure de la seule révolte
réussie d’un camp d’extermination nazi. Mais également le second film de Claude
Lanzmann sur la 2ème Guerre Mondiale après
son chef d’œuvre “ Shoah ”.
Réalisé
à partir d’un entretien qu’avait accordé Yehuda Lerner à Lanzmann, illustré par
les paysages et les lieus d’aujourd’hui qui sont tristement semblables à ceux
d’alors, lorsque le camp situé en Pologne, fonctionnait (de 1942 à 1943) Sobibor est un film historique et
réaliste à l’aspect documentaire mais dans lequel règne un suspense croissant
jusqu’à la dernière image…
L’affiche du film Sobibor ( Yehuda Lerner)
1. La déportation
Yehuda Lerner ne raconte pas son arrestation mais… :
Tout commence le 22 Juillet 1942…[c’est
le tout début des rafles dans les ghettos, celle-ci durèrent jusqu’en 1943]
Agé
alors de 16 ans, on le fit sortir du ghetto de Varsovie et on le mena sur Umschlag Platz, le lieu où l’on
rassemble les Juifs, où on lui dit que l’on allait l’envoyer lui et ses
semblables quelque part, on ne savait pas encore où.
A ce moment là, Yehuda
Lerner était encore avec sa famille mais très vite
ils furent séparés et sa famille, il le sut plus
tard, fut déportée à Treblinka.
Quelques jours plus tard, lui et quelques milliers de
jeunes gens capables de travailler furent mis dans des wagons à destination,
disait-on, d’un camp de travail.
Ils y restèrent plus d’une semaine pendant laquelle
ils se nourrirent, uniquement, d’une miche de pain et d’un peu d’eau.
2.Les différents camps
Ils arrivèrent en Biélorussie dans un camp et ils
furent débarqués pour le travail. Les conditions dans cet endroit étaient
terribles. Quand il vit combien la situation était mauvaise, Lerner dit à un de ses amis :
“ Enfuyons-nous ! Quoiqu’il nous arrive ce sera mieux que de mourir
ici de faim ! ”. Ils réussirent à s’évader mais au bout de quelques
jours les Allemands les reprirent et les menèrent dans un autre camp.
Mais
à chaque fois c’était la même chose, les conditions étaient tout aussi
terribles.
Ainsi,
il s’évada de 8 camps en 6 mois avant d’être conduit au ghetto de Minsk, puis
au camp de Sobibor après un long voyage en train.
3.Arrivée a Sobibor
Les
rails qui menaient au camp
Lorsque
le train s’arrêta ; on les fit sortir et un Allemand demanda 60 hommes forts.
Yehuda Lerner, suivant son
instinct, se présenta et partit avec le
groupe des travailleurs, évitant ainsi les chambres à gaz. Par la suite, on les
fit mettre en file et ils entrèrent dans un camp : le camp de Sobibor.
Celui-ci était entouré de grilles électrifiées au-delà desquelles s’étendaient
des champs de mines.
On leur remit des
vêtements propres, ils mangèrent une nourriture qui d’ailleurs était
excellente, puis le lendemain, ils partirent pour travailler, un travail qui
consistait en l’abattage d’arbres et en la construction d’entrepôts souterrains
pour les munitions. Tandis que les enfants du camp travaillaient à la cantine.
Dans
le camp se trouvaient tous les corps de métiers, des cordonniers en passant par
les tailleurs jusqu’aux orfèvres. Tous travaillaient au service des Allemands
ou des Ukrainiens.
En
tout il y avait 30 Allemands SS à Sobibor mais plus d’une centaine d’Ukrainiens
chargés de surveiller le camp.
Néanmoins
lors de la révolte il n’y avait que 16 Allemands en raison des permissions qui
avaient été accordées.
4.La révolte
Plan du camp de Sobibor
Après
avoir discuté avec les Juifs qui connaissaient déjà Sobibor, Yehuda Lerner et ses compagnons
décidèrent de former un comité pour organiser une révolte.
Connaissant
l’extraordinaire précision des Allemands, étant persuadés que le seul moyen de
réussir était de les tuer, et ayant réfléchi aux moyens qu’ils pourraient
utiliser pour mener le projet à bien, ils élaborèrent un plan qui était le
suivant :
Convoquer
toutes les minutes les officiers allemands dans différents ateliers : chez
les tailleurs et les cordonniers. Pour chaque atelier, deux hommes étaient
chargés d’attendre un officier pour le tuer.
Pour
l’ensemble du camp la révolte était fixée le 14 Octobre 1943 à 16 heures.
Dans
l’atelier des tailleurs, Yehuda Lerner et son ami étaient prêt avec des haches
qu’ils avaient très bien aiguisé, leur tâche était de tuer un Allemand qui
avait été convoqué à 16 heures pour l’essayage d’un manteau, et un second qui
devait arriver a 16h05.
Yehuda Lerner n’avait jamais tué auparavant, mais il savait que
s’il n’agissait pas ce serait lui qui serait tué.
Ils
prirent place dans l’atelier des tailleurs une heure avant l’heure fixée pour
la révolte et ils firent semblant d’être des tailleurs. Il était convenu qu’au
moment où le tailleur essaierait le manteau à l’allemand, celui-ci
s’agenouillerait et c’est à ce moment là qu’ils pourraient se précipiter sur
l’Allemand pour le tuer.
A
16 heures, l’officier entra dans la baraque des tailleurs ; Yehuda Lerner était avec son
compagnon et ils dissimulaient sous leurs manteaux les objets meurtriers.
Pendant
que le tailleur s’affairait aux mesures du vêtement, l’angoisse de Lerner croissait.
Puis
le moment tant attendu où l’officier Allemand devait s’agenouiller arriva, et
d’un seul coup, Lerner lui fendit le crâne en deux.
Pressés
par l’arrivée du second officier, ils enveloppèrent précipitamment le corps de
l’Allemand dans des manteaux. En effet, à 16h05 le second Allemand apparu. Dans
la confusion ils n’avaient pas bien couvert la main du premier officier mort,
et le second lui marcha sur la main.
Avant
qu’il n’eût le temps de réaliser ce qu’il se passait, Yehuda
Lerner et son ami lui bondirent dessus et le tuèrent.
Ils
apprirent aussitôt que 11 Allemands avaient déjà été tué grâce à des enfants
qui faisaient les intermédiaires. Tout se passait comme prévu.
Mais
à 17 heures, Frenzel qui était le responsable de
l’appel des noms et qui était caractérisé par sa ponctualité n’arrivait pas.
Quelques
survivants du camp
Comme
cela était inhabituel, il y eut un mouvement de joie et tout le monde se
précipita sur la grille. Mais même ceux qui avaient réussi à la franchir furent
tués de l’autre côté par les mines.
Munis
des armes volées au camp, ils réussirent à franchir la grille et ils
commencèrent alors à courir en direction de la forêt.
C’était le chahut le plus
complet et la pluie commençait à tomber. C’était l’hiver, au mois d’Octobre en Pologne
et il faisait déjà nuit
Alors,
Yehuda Lerner, peut être à
cause de l’émotion, de la fatigue et de la nuit s’écroula…, puis il s’endormit…
5.L’intérêt du film
On pourrait croire que le film s’arrête là, car : “ c’est trop
beau quand il dit qu’il s’est effondré dans la forêt. La suite est une aventure de la liberté. Les installations
de mort et les chambres à gaz furent détruites par les Allemands dans les jours
qui suivirent la révolte. Plus aucun convoi n’arriva en gare de Sobibor. Là-bas
au moins, un terme était mis à l’extermination. ” ( : voix off du réalisateur Claude Lanzmann)
Mais
non, vient en suite une liste, celle des Juifs déportés et disparus à Sobibor.
Lue par Lanzmann d’une voix neutre et insoutenable,
durant de longues minutes qui nous parurent interminables, pendant lesquelles
nous nous demandions : “ Mais pourquoi ?… ” Et nous
voulions crier : “ Stop !… S’en est
assez !…Arrêtez !… ”, créant dans la
salle entière un malaise, elle est là pour nous rappeler que Lerner et ses compagnons sont une exception et que le
destin de milliers d’autres Juifs ne s’est, malheureusement, pas terminé de la
sorte…
Lanzmann,
avec ce film simple, sans scénario ni effets spéciaux, transcrit honnêtement la
mémoire fidèle et lutte ainsi contre toutes les formes de dévoiement du
langage : effacement, censure, amnésie, déformation, manipulation. Et
permet, de ce fait, au spectateur de conserver l’ensemble de ses facultés
intellectuelles pour se représenter l’étendue du crime dénoncé.
Lanzmann a
réussi, une fois encore, à créer un film
merveilleux, émouvant et inoubliable dans lequel toute l’émotion passe dans les
yeux d’un bleu profond de Yehuda Lerner…