Quand on a tondu toutes les femmes du transport

quatre détenus balaient

les cheveux de celles qui vont être gazées

et les ramassent

 

Et sous des verres propres

sont disposés les cheveux des suppliciées

Aux cheveux sont restés

des épingles et des peignes en os

 

La lumière ne les illumine plus

Le vent ne les soulève plus

la main ne les caresse plus

ni la pluie ni les lèvres

 

Dans les grandes caisses des cheveux

des asphyxiées

on peut voir une tresse nouée par un ruban

que tiraient à l'école des garçons polissons

 

LÉOPOLD LEVIN

 

            Ce poème a été écrit par Léopold Levin mais il est resté sans titre, peut-être car l'auteur a été dans l'incapacité d'en trouver un à cause du contexte. Qui sait ? Nous ne savons rien de cet auteur, mais nous pouvons imaginer soit qu'il a été un détenu rescapé et que certaines femmes qui ont survécu lui ont raconté leurs histoires alors il a décidé d'écrire ce poème en la mémoire de toutes celles qui n'ont pas eu la chance de survivre, ou bien qu'il était un de ceux qui balayaient et rangeaient les cheveux de ces pauvres femmes car les détenus hommes et femmes étaient séparés dès le début.

            Ce poème nous parle de l'arrivée au camp pour les femmes. On sait donc, qu'elles ont été tondues, et que les allemands laissaient faire "le sale boulot" aux détenus et en s'en occupaient pas. Cela signifie qu'ils les traitaient comme des sous-hommes et ne leur portaient aucun intérêt car de toutes manières, ils allaient les éliminer. Le fait que se soit d'autres prisonniers qui ramassent et balaient les cheveux montre chez les nazis une certaine sorte de cruauté, car ceux qui les ramasse, savent pertinemment ce qui est advenu des ses femmes et savent que ça peut leur arriver aussi, et à partir de ce moment, d'autres détenus les remplaceront et vivront la même chose. La cruauté des nazis est telle qu'ils n'ont même pas pris la précaution d'enlever aux futurs gazées les bijoux qu'elles avaient dans leur cheveux pour les orner. Et l'auteur nous dit aussi que les cheveux des suppliciées sont sous des verres propres. Cela signifie que les allemands considèrent s'ils étaient impropres et qu'il ne faut pas qu'ils puissent entrer en contact avec l'ai que respirent les nazis.

            Les deux derniers vers sont très nostalgiques. L'auteur se remémore les différentes façons de mettre en évidence ces cheveux, car une fois au camp, on est dans l'incapacité d'en revoir car tous les détenus ont la tête rasée. Le dernier paragraphe est très émouvant car il nous dit implicitement que de nombreuses femmes sont mortes car l'auteur nous dit, "Dans les grandes caisses des cheveux des asphyxiées". Et puis le fait qu'il nous donne un exemple précis, marque le lecteur, car cela nous permet d'imaginer la vie de cette fillette dont des garçons polissons lui tiraient la tresse.

            Ce poème, par son absence de titre, par sa volonté de ne pas s'attacher à un cas particulier, nous montre bien quel était le sort de femmes. Il dégage une grande nostalgie du bonheur passé. L'auteur devait aimer les cheveux des femmes, et pour lui, c'est un symbole qui s'en va. Les femmes sans leurs cheveux, sans leurs bijoux, ne sont plus rien. Les allemands les déshumanisent.

 

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