Le projet nazi d’extermination

 

Avec l’arrivée du parti Nazi au pouvoir en 1933, le sort de l’Allemagne bascule. Un régime dictatorial se met en place, interdisant tous les partis politiques (sauf le parti Nazi) et emprisonnant les opposants dans des camps de concentration - voire en les exécutant sans procès.

En application du programme nazi, les Juifs sont rapidement l’objet de persécutions. Le but d’Hitler est de former une Allemagne “ judenfrei ” (judenrein), débarrassée des Juifs considérés comme inférieurs et impurs par la doctrine nazie. Cette doctrine se fonde sur la tradition antisémite ancrée profondément dans la culture occidentale et elle se donne des arguments pseudo scientifiques, appuyés sur l’idée (fausse) de l’inégalité des races.

 

1.      De l’exclusion à l’expulsion ( 1933-1939 )

 

Avant la guerre, le régime nazi emploie deux moyens pour parvenir à réaliser son projet :

Ø     La mise à l’écart de la population juive par une série de mesures discriminatoires à partir de 1933. Les magasins appartenant à des Juifs sont boycottés. Les Juifs sont chassés des professions libérales, de l’armée, de la justice, des métiers de la culture, de la presse et de la fonction publique. Le 15 septembre 1935, les lois de Nuremberg “ pour la protection du sang et de l’honneur allemand ” interdisent les mariages et toutes relations sexuelles entre juifs et non-Juifs. En outre, les juifs sont privés de leur citoyenneté.

Ø       Le départ, ou plutôt l’expulsion des Juifs, hors d’Allemagne. On estime à environ 150 000 ( sur 500 000 ) le nombre de Juifs qui quittent l’Allemagne entre 1933 et 1938. Ce mouvement s’amplifie après l’annexion de l’Autriche en mars 1938 et la nuit de cristal ( du 9 au 10 novembre 1938 ).

Jusqu’en 1939, ces deux politiques- ségrégation et expulsion - sont menées de pair. Les persécutions ne cessent de s’aggraver contre ceux qui refusent de partir.

 

2.      Expulsions et mise en ghetto 1939 1941

 

Le déclenchement de la Seconde guerre mondiale a des conséquences dramatiques. D’une part les Juifs ne peuvent plus quitter le Grand Reich. D’autre part les pays conquis comportent d’importantes communautés juives, tout particulièrement la Pologne où vivent plus de deux millions de Juifs. Les Nazis vont mettre progressivement en place des mesures pour s’adapter à cette nouvelle situation .

Après une période d’observation et de pogroms ( violences antijuives se traduisant par des pillages, des incendies, des viols, des exécutions sommaires ), les Nazis décident de regrouper les Juifs pour les séparer du reste de la population, afin d’éviter “ toute contamination ” et soi-disant de les protéger. Cette politique se traduisit par la mise en place de ghettos ( comme du Moyen Age), isolés de la ville “ aryenne ” par des barbelés ou des murs. Le plus célèbre et le plus important était celui de Varsovie ( créé en octobre 1940 ) avec près de 500 000 habitants entassés sur 403 hectares. Toutes les communautés juives de moins de 500 personnes sont dissoutes et leurs membres doivent rejoindre les ghettos voisins. Ces évacuations s’accompagnent de violences physiques, d’incendies, de meurtres.

Ces ghettos sont dirigés par le Judenrat ( conseil juif ) composé de personnalités influentes ( rabbins, notables, …). Ils servent d’intermédiaire entre les Juifs et les Allemands. Parfois ces Judenräte ont été accusés d’avoir collaboré, de manière consciente ou inconsciente, avec les Allemands et d’avoir participé à la déportation ( voir la bande dessinée Maus étudiée dans ce site ) en

participant notamment aux rafles et aux sélections.

 

Les ghettos vont se révéler des pièges mortels. Les conditions de vie sont extrêmement difficiles : entassement, manque d’hygiène et de travail, pauvreté et famine sciemment entretenues par les Allemands qui réduisent l’approvisionnement en nourriture. Les Juifs ne peuvent pas sortir, sauf avec des permis spéciaux lorsqu’ils travaillent pour des entreprises allemandes.

 

Les massacres à grande échelle commencent à partir de l’invasion de l’URSS en juin 1941. Ils sont tout d’abord conduits de manière relativement désordonnée par des unités spéciales les Einsatzgruppen, petites unités qui suivent la progression de l’armée allemande en territoire russe. La plupart des victimes ( estimées à près de 800 000 entre juin 1941 et janvier 1942 ) sont fusillées au bord de fossés qu'elles ont dû elles-mêmes creuser, leurs corps tombant directement dans la fosse.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Arrestation des derniers survivants après l’insurrection du ghetto de Varsovie (1943).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

3.       La  Solution Finale (1942-1944)

 

Ø       La mise en place du processus d’extermination

 

A la suite de la conférence de Wannsee (janvier 1942), une politique d’extermination systématique des Juifs, puis des Tziganes, se met en place. Les habitants des ghettos sont déportés vers des camps d’extermination.

Les camps d’extermination ont pour unique finalité le massacre à grande échelle des “ êtres biologiquement inférieurs ”, considérés comme intrinsèquement irrécupérables. Ils sont au nombre de six. Les quatre premiers de la liste (voir ci-dessous) sont uniquement des camps d’extermination, les deux derniers sont à la fois des camps d’extermination et des camps de concentration où les déportés sélectionnés doivent travailler comme des esclaves. Tous ces camps sont situés sur l’ancien territoire polonais. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce choix. En effet la Pologne bénéficie d’un certain nombre d’avantages :

-          Elle dispose d’un bon réseau ferroviaire.

-          Elle comporte de nombreuses et importantes communautés juives.

-          Elle située au cœur de territoires orientaux nouvellement conquis par les Allemands.

-          La population polonaise n’est par exempte de préjugés antisémites.

 

·  Chelmno est le premier camp d’extermination, situé à une soixantaine de kilomètres de Lodz. Ce camp fonctionne à partir du 8 décembre 1941 avec des camions spécialement conçus pour utiliser les gaz d’échappement. Le nombre total de victime excède 150 000 personnes.

·  Belzec ouvre ses portes à la mi-mars 1942, lorsque commencent les grandes déportations de Lublin et de Lvov. On a construit 6 chambres à gaz, où plus de 5 000 personnes peuvent être exécutées par jour. Environ 560 000 Juifs furent assassinés à Belzec.

·  Sobibor, situé à la limite de la zone annexée en 1939 par l’URSS est destiné aux Juifs de cette région à partir du mois d’avril 1942. Le nombre total de victimes est de 200 000 environ, auquel il faut ajouter des prisonniers de guerre soviétiques également massacrés.

·  Entre juillet 1942 et octobre 1943, Les Juifs de Varsovie, Radom et Lublin sont déportés à Treblinka, situé à une centaine de kilomètres de l’ancienne capitale polonaise. Dix chambres à gaz y ont été édifiées, d’une superficie de 50 mètres carrés chacune. Une trentaine de SS et quelques centaines d’auxiliaires ukrainiens, ainsi qu’un commando juif d’un millier d’hommes- contraints à travailler- y sont affectés en permanence. Le nombre total de victimes juives gazées dans ce camp est de 750 000 environ.

·  Maïdanek est construit à la fin de l’été 1941, à quelques kilomètres de Lublin . C’ est un camp mixte, à la fois centre de mise à mort et camp de travail où plus de 50 000 personnes sont gazées.

·  Auschwitz , construit dès mai 1940, présente un certain nombre de caractéristiques qui le rende unique.

Tout d’abord sa taille. Il s’agit d’ un ensemble concentrationnaire composé de plusieurs camps distincts. Auschwitz I et Auschwitz III rassemblent des entreprises industrielles allemandes ( dont l’usine IG-Farben fabriquant du caoutchouc synthétique), employant des déportés travaillant comme de véritables esclaves.

Deuxièmement, l’ampleur des massacres. Au total plus d’un million de personnes seront assassinées à Auschwitz II-Birkenau qui est un camp d’extermination. Lorsque les convois arrivent, les SS procèdent à une sélection qui épargne environ 25% des arrivants. La plupart des enfants, des femmes et des vieillards étaient directement dirigés vers les chambres à gaz, puis brûler dans des chambres à gaz. Les hommes étaient laissés en vie pour le travail forcé, jusqu’à ce que trop faibles, ils soient à leur tour “ sélectionnés ” pour les chambres à gaz..

Enfin, la méthode utilisée est particulièrement sophistiquée. Les victimes sont invitées à se déshabiller avant de prendre une douche. Il s’agit de ne pas les effrayer afin que les opérations se déroulent le plus facilement possible. Certains jours 20 000 personnes furent exécutés. C’était les détenus, regroupés dans le Sonderkommando, le commando spécial, qui étaient chargés de brûler les corps. Ils ne restaient généralement pas longtemps affectés à ce travail, car, régulièrement, ils étaient gazés à leur tour.

 

Ø       Le nombre de victimes

 

Le bilan exact est extrêmement difficile à faire, malgré le sérieux des travaux. Le tribunal de Nuremberg, parvenu au chiffre de 5 700 000 victimes, a employé le chiffre emblématique de 6 millions- dont 2 700 000 par gazage. Par la suite, plusieurs chercheurs ont retravaillé sur ces évaluations numériques. Jacob Robinson aboutit à 5 800 000, tandis que Raul Hilberg conclut au chiffre de 5 100 000. Ainsi les deux tiers des Juifs d’Europe, hommes, femmes, enfants, ont été assassinés par les Nazis, en fonction d’un plan délibéré d’extermination. Nul doute que s’ils avaient gagné la guerre ou si elle avait duré plus longtemps, tous les Juifs européens auraient été exécutés.

 

Ø       La spécificité du projet

 

C’est un projet secret à grande échelle dont toutes les actions visent la mort, la disparition du peuple juif. Assez peu d’Allemands sont directement au courant du processus qui demeure un secret d’Etat bien gardé. Ceux qui savent ne disent rien ; ceux qui se doutent de quelque chose préfèrent ne pas savoir.

Wieviorka exprime bien cette idée dans la phrase suivante : “ Les Nazis voulaient atteindre un peuple tout entier dans sa descendance, traquer tous ses enfants […] afin que ce peuple disparaisse de la Terre à jamais ”. En effet, ils voulaient effacer jusqu’au souvenir de ce peuple.

 

Les Juifs des ghettos, conscients du danger d’extermination de leur peuple et de sa mémoire, réagirent en rédigeant des journaux personnels. “ Mon journal sera une source, dont se serviront les futurs historiens ” Chaïm Kaplan

A Varsovie, Emmanuel Ringelblum a constitué des équipes chargés de rassembler tous les documents possibles rassemblés dans le ghetto.Ils enterrèrent même leurs archives dans des bidons métalliques dont l’essentiel a  été retrouvé par la suite.

 

Les Nazis ont échoué dans leur volonté d’effacer les plus infimes traces de leur existence.

La mémoire du génocide perdure à travers les livres et les témoignages.

 

RETOUR AU SOMMAIRE