L’absence
de révolte peut s’expliquer par un manque de force à la fois physique et
morale. Primo Levi désigne les prisonniers par : “esclave sans force”, ils
doivent subir la faim, le froid, l’humiliation, le travail de force.
Les
prisonniers, à ce stade, n’ont plus le moral, ils pensent que pour eux il n’y a
plus d’espoir alors pourquoi lutter? Les Allemands ont tout fait pour les
avilir, les déshumaniser, les rendre inaptes à toute action qu’ils ne
dicteraient pas. Les détenus ne peuvent prendre aucune initiative.
Les seuls hommes capables de se
révolter sont les anciens militants communistes habitués à la révolte. Le seul
révolté qui restait dans le camp a été
malheureusement exécuté. Son exécution est présentée comme une mise en garde:
quiconque osera reprendre la révolte subira le même sort. Cet homme est
considéré comme exceptionnel, largement au-dessus de tous les autres. Mais pour
Primo comme pour les autres, il était
“ le dernier ”.
De
plus les prisonniers manquent d’information. Personne ne sait vraiment qui se
révolte, ni pourquoi. La révolte est un sujet tabou dont personne n’ose évoquer
le nom de peur d’être exécuté. Lorsque Primo Levi parle de la révolte du
communiste exécuté, il reste très vague : “ personne parmi nous ne
sait exactement ”, “ on parle de ”, “ on murmure que“ …
Dans
l’appendice de Si c’est un homme, l’auteur retranscrit certaines
questions posées par des élèves auprès de qui il a témoigné. Une des questions
récurrentes était celle de la révolte et de l’évasion . L’auteur justifie ainsi la passivité de
prisonniers : “ Les tentatives de fuite parmi les prisonniers
d’Auschwitz, par exemple, s’élève à quelques centaines, et les évasions
réussies à quelques dizaines. S’évader était très difficile et extrêmement
dangereux : en plus du fait qu’ils étaient démoralisés, les prisonniers
étaient physiquement affaiblis par la faim et les mauvais traitements., ils
avaient le crâne rasé, portaient un uniforme rayé immédiatement reconnaissable
et des sabots de bois qui leur interdisaient de marcher vite et sans faire de
bruit. ; ils n ‘avaient pas d ‘argent, ne parlaient généralement
pas le polonais qui était la langue locale, n’avaient pas de contact dans la
région et manquaient même d’une simple connaissance géographique des
lieux. ”
Ce
manque de révolte, assez surprenant pour des lecteurs actuels est donc
parfaitement compréhensible. Ils n’avaient pas les moyens de s’enfuir.