La Sélection : d'après Primo Levi

 

 

Dans les camps et particulièrement à Auschwitz, les Allemands "sélectionnent " les prisonniers afin de ne garder seulement ceux qui sont aptes au travail, et de libérer des places pour les nouveaux arrivants. "Ce qui compte est de faire rapidement place nette en respectant le pourcentage établi" écrit Primo Levi.

Selon Primo Levi, la sélection est censée rester secrète car les Allemands ne veulent pas que les prisonniers puissent se préparer à "leur destiné". Mais des rumeurs avertissent à l'avance Primo Levi qui peut ainsi jouir d'un atout supplémentaire, et comme ce n'est pas sa première sélection, ce dernier peut donc agir en connaissance de cause.

Dans son livre, la sélection est annoncée par le retentissement de la cloche, et à partir de ce moment là toute une organisation paperassière se met en place. Les prisonniers, eux, rentrent dans leurs baraques. Là, ils doivent se déshabiller, et ainsi debout attendre leur tour. Ils somnolent alors qu'ils savent qu'il va y avoir la sélection, "De toutes façons nous sommes tranquilles pour une bonne heure au moins, et il n'y a pas de raison de ne pas se glisser sous les couvertures pour se réchauffer un peu." Ils ne se rendent pas compte et ne réagissent pas que bientôt ils feront face à leur destinée, la droite ou la gauche, la vie ou la mort. Ils sont arrivés à un point où ils n'ont plus le temps d'avoir peur.

 

Levi nous explique qu'une des constantes des camps de concentration, est d'impliquer tous les échelons de la hiérarchie. Chaque détenu a un rôle. Il sélectionne ou est sélectionné. Tous les prisonniers participent à cette organisation, chacun selon son grade. Le Blockältester, par exemple "effectue sa tache avec zèle". Il juge ses semblables.  Les prisonniers sont enfermés dans un espace réduit, une pièce de 7 mètres sur 4 pour contenir plus de 900 hommes, ce qui peut être considéré comme une grande preuve de cruauté. Cela nous démontre aussi le degré de perversité auquel les Nazis sont parvenus dans leur système.

 

 

Il s’agit d’une très rare photographie prise dans les camps d’extermination (probablement en 1944) lors de la déportation des Juifs de Hongrie

A Auschwitz, la plupart des enfants, des femmes et des vieillards étaient directement dirigés vers les chambres à gaz. Les hommes étaient laissés en vie pour le travail (ils étaient condamnés à une mort encore plus atroce) jusqu’à ce que, trop faibles, ils soient à leur tour «sélectionnés» pour la chambre à gaz.

 

 

En effet, les prisonniers ne sont pas traités comme des humains. Ils sont jugés sur un simple regard et n'ont aucun moyen de contester le jugement. Les Allemands parviennent ainsi à manipuler tous les prisonniers.

Le passage est très cérémonieux, trois hommes constituent "les trois juges d'un tribunal", c'est entre leurs mains qu'est le sort de chaque prisonnier, mais il est aussi très expéditif car ils font passer environ 200 hommes en 3 ou 4 minutes. Ceci montre qu'il y a un risque d'erreur considérable. Levi nous indique bien que les prisonniers sont affolés, "meute affolée", mais aussi qu'il s'agit bien d'un moment parmi tant d'autre où ils ne sont plus du tout considéré comme des hommes, mais comme un "amas de chair vivante". La sélection est très précipitée contrairement à ce que la préparation paperassière pouvait nous faire penser, ou même espérer. Les prisonniers le savent bien car Primo Levi nous le dit : "Ce qui compte est de [] faire place nette en respectant le pourcentage établi."

Pendant que la sélection continue de se dérouler dans d'autres baraques, l'attitude des prisonniers est très contrastée. Ils réagissent tout d'abord comme des animaux que l'on mène tout doucement à l'abattoir, ils sont complètement déshumanisés. Certains parviennent même à dormir. Ils n'ont plus les capacités physiques et mentales de réagir. Puis, au moment même de la sélection, ils tentent de redevenir "Homme" : "Comme les autres je suis passé d'un pas souple et énergique, en cherchant à tenir la tête haute []".

Primo Levi utilise un style d'écriture sobre mais très précis qui est surtout utilisé efficacement pour dénoncer les coupables, c'est à dire les SS et leurs collaborateurs.

La sélection est un moment comme un autre dans la vie du camp, c'est un moment où ils sont confrontés à la mort une fois de plus, mais moins implicitement. Pour passer du bon côté lors de la sélection, il faut paraître très fort devant "les juges" et surtout de ne pas se laisser intimider comme les Nazis le voudraient. Mais les sélections comportent beaucoup d'erreurs et des hommes forts sont allés vers la mort alors que de faibles sont restés.

Cette sélection illustre donc la perversité des Nazis. Leur objectif n'est pas uniquement d'éliminer les plus faibles, il est avant tout de déshumaniser les prisonniers et les rendre ainsi incapable de toute révolte.

 

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