MON DIEU

 

Mon Dieu,

je n'ai plus de vêtements sur moi,

je n'ai plus de chaussures,

je n'ai plus de sac, plus de portefeuille, de stylo,

je n'ai plus de nom. On m'a étiquetée 35 282.

je n'ai plus de cheveux,

je n'ai plus de mouchoir,

je n'ai plus les photos de Maman et de mes neveux.

je n'ai plus l'anthologie où chaque jour

dans ma cellule de Fresnes

j'apprenais une poésie.

 

Je n'ai plus rien.

Mon crâne, mon corps, mes mains sont nues.

 

CATHERINE ROUX

 

            Ce poème à été écrit à Ravensbrück par Catherine Roux. Cette jeune femme avait d'abord été internée à Romainville. Elle fut rapatriée du camp de concentration le 22 mai 1945.

            Ce poème pourrait être considéré comme un résumé de ce qui se passait à l'arrivée dans les camps de concentration. Les déportés étaient complètement dépouillés dès leur arrivée. Leurs bagages, déjà, restaient dans les wagons pour être ensuite triés et envoyés en Allemagne. Mais après la sélection, la dépouille continuait, ils devaient laisser tous leurs effets personnels, même leur identité, pour revêtir un hait semblable à tant d'autres. On leur attribue une nouvelle identité, un numéro. Un numéro qui ne s'efface pas, un numéro qui les suivra jusqu'à leur mort. Rien ne les différencie les uns des autres, ils sont tous rasés et en habit rayé, blanc et bleu. Homme, femme, on ne voit pas la différence, mais cela n'a aucune importance puisqu'ils sont tous condamnés à mourir. On leur a tout pris et fait d'eux des robots. Ces êtres ne peuvent plus penser, ne doivent plus penser.

Mais ce poème illustre quand même que dans un moment de détresse totale comme celui-là, ces personnes se tournes vers la religion. "Mon Dieu", appelle Catherine Roux, elle se tourne vers sa religion. Cette même religion qui est la cause de sa déportation. Ceci prouve que l'on aura beau faire de ces hommes et ces femmes des martyres, on ne pourra pas leur enlever cette chose qui brûle en eux : la foi.

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