Au nom de tous les miens, Martin GRAY

 

 

I Comprendre

 

1) L'histoire

 

Tiré d'une paisible enfance à Varsovie, Martin est plongé en 1940 à 16 ans dans l'horreur du Ghetto, où il devient contrebandier. Déporté à Treblinka avec toute sa famille (sauf son père), il s'en échappera dans un wagon d'habits pris aux victimes, les autres membres de sa famille ayant été assassinés. Fuyant pendant des mois les camps de travail et d'extermination, il aide la résistance polonaise, puis retourne au Ghetto pour participer à sa révolte (où il retrouve son père qui se fait tuer), dont il est un des seuls survivants. Il s'engage dans l'armée Rouge et prend part aux combats pour s'emparer de Berlin. La paix revenue, il fait fortune aux Etats-Unis. Alors qu’il a fondé une famille dans le sud de la France, celle-ci périt dans un incendie de forêt.

 

2) Le lieux

 

Treblinka, situé à  est de la Pologne est  le deuxième camp le plus meurtrier après Auschwitz Birkenau (750 000 victimes). Il s'agit d'un Camp de Mort "classique"  (meurtre par chambres à gaz puis ensevelissement des corps dans une fosse commune) et non d'un Camp de Concentration (esclavage) comme Mauthausen ou Dachau .Il "reçoit" les Juifs des ghettos des plupart des grandes villes polonaises.

 

II la déportation

 

Après  avoir décrit la survie dans le ghetto, Martin raconte son expérience des camps. Nous avons choisi de ne rendre principalement compte que de cette partie.

 

1) Le départ pour les camps

 

L' Umschlagplatz, la gare du ghetto de Varsovie, sert de point de départ pour le Camp de Mort de Treblinka. Martin et sa famille y sont amenés à  la mi-septembre 1942. La stratégie très "efficace" des nazis consiste à attraper une partie d'une famille afin de servir d'appât aux autres membres. Les SS ne jouent en réalité qu'un petit rôle sur le terrain, étant servis par les policiers juifs (travaillant au Conseil juif : Le judenrat)  et les mercenaires étrangers (ukrainiens). Les déportés sont ensuite enfermés dans des wagons surpeuplés (prés de 150 par wagon) pour un voyage de nombreuses heures dans une ambiance horrible (faim, soif, odeur d'urine et d'excréments, manque d'air). A l'arrivée, beaucoup seront morts.

 

2) La sélection

 

"Hommes à droite, femmes et enfants à gauche, répétait un haut-parleur d'une voix tranquille."

La sélection est effectuée par les SS ("les maîtres") ou leur subordonnés Ukrainiens("leurs chiens"),au Camp de Treblinka, dès l'arrivée du train.

A gauche sont également dirigés malades, vieillards, blessés. La surveillance de la sélection est stricte et nul ne peut y échapper, à gauche se trouvant le Lazaret-le camp d'extermination-, à droite le camp de travail.

 

3) Comment éviter la panique chez les déportés ?

 

Dans le ghetto de Varsovie, les Nazis promettaient qu'à l'est  se trouverait une vie meilleure, ce qui permet de les faire monter dans les wagons sans panique. Bien que tous perdent leurs illusions durant le trajet, on fait croire à "ceux de gauche", destinés à la mort, qu'ils seront simplement envoyés dans un camp similaire à celui de "ceux de droite" Dès la séparation, on annonce à ceux de gauche qu'ils vont prendre une douche, et on leur demande de se déshabiller. Pour les rassurer, leur cacher leur mort proche et éviter toute panique, on leur dit de conserver soigneusement objets de valeur et papiers et de prendre le savon qu'on leur offre.

 

4) Les sentiments des déportés

 

A peine séparé de sa famille, Martin s'informe de leur sort:

"-où vont ils?

-qui?

-ceux de gauche.

-au camps d'en bas.

-…

-le Lazaret

-…

-le gaz."

C' est tout ce qui restait du monde de Martin qui s'écroule, mais au lieux de céder au désespoir comme les autres, il gagne la force de rester en vie pour que le monde sache ce que font les "animaux à visage d' homme", "aux noms de tous les siens".

 

III La vie dans les camps

 

"Ceux de droite", ceux destinés au camp de travail, n'auront guère droit à un meilleur sort. Ils vont connaître des conditions de vie particulièrement horribles.

 

1) L'horreur quotidienne

 

Les prisonniers, sous-nourris, épuisés au travail doivent constamment faire face à l'horreur. Pendant des heures, chaque jour, on leur fait un discours sur leur infériorité. Tous ceux qui sortent des rangs, oublient de baisser la tête au passage d'un SS ou d'un Ukrainien, sont promis à la mort, directement ou indirectement, lorsque, le lendemain, ils seront emmenés au Lazaret. Les plus désespérés, se suicident durant la nuit par pendaison -raison pour laquelle on laisse aux détenus leur ceinture-ce qui hante Martin qui, cinq ou six fois par nuit, entend les "retirez" des suicidaires qui demandent à leurs compagnons de retirer les caisses sur lesquels ils sont placés.

 

2) Le travail

 

Les prisonniers sont répartis en équipes de travail surveillées, les kommandos. Il en existe diverses sortes, mais leur travail ne sert en fait qu'au fonctionnement du Camp de Mort : arrivée des déportés, tri de leurs habits, de leurs cheveux qui leurs ont été coupés, entretien des allées... Mais les plus "mal lotis" sont les Juifs de la Mort, chargés de récupérer les corps (auxquels les Juifs "dentistes" retirent les dents en or) des chambres à gaz et de les jeter dans une fosse commune. Les enfants, échappant parfois au gaz grâce à leur taille, sont étranglés par les kommandos lorsque les gardes ne regardent pas afin de leur éviter d'être enterrés vivants. Martin fait partie notamment les kommandos de tri des habits, d'entretien des allées et de Juifs de la Mort.

 

3) La révolte et l'évasion

 

La révolte semble bien souvent impossible, plus en raison de la peur que des gardes. Même dans les camps provisoires -ou les prisonniers "attendent" d'être envoyés à Treblinka lorsque le camp est plein -la peur surmonte l'envie de révolte pour sauver sa famille, et parfois simplement les autres, des répressions. Treblinka se révoltera -en vain- mais Martin se sera déjà évadé: affecté au "Camp d'en bas", le Lazaret, en tant que Juif de la Mort, il s' accroche sous un camion de dents en or, qui le reconduit au "Camp d'en haut" où il convainc un kapo -un surveillant juif souvent collaborateur -de l'affecter au nettoyage des voies de chemins de fer, puis saute dans un wagon d'habits, qui lui permet de s'enfuir dans la campagne polonaise.

 

Arrestation des derniers survivants après l’insurrection du ghetto de Varsovie (Mai 1943)

Cette photo est devenue le symbole de la résistance des Juifs au génocide.

                                                                                                                                                                  

IV L'intérêt du témoignage

 

Ce témoignage non romancé et très précis, écrit à la mort de sa femme dans un incendie (dans les années 1970), nous donne une idée très concrète de la déportation en précisant son horreur et en donnant tous les sentiments du narrateur, qui a été confronté à presque tous les aspects de l'antisémitisme et les raconte (et non pas "seulement" le Ghetto ou un "seul" Camp), transmettant sa tristesse, son envie de vivre et son besoin de vengeance. Mais malgré cette dernière, le témoignage sait rester objectif, montrant, par exemple, un SS amical, un racketteur de Juifs héroïque, ou des soldats russes (vainqueurs de Berlin) se transforment en violeurs. En plus d'être précis historiquement, Au nom de tous les miens est un livre passionnant et plein de suspense, qui communique sans peine au lecteur, par ses descriptions sentimentales comme par sa narration crue, toutes les émotions de Martin Gray.


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