Vercors,
“ Ce jour là ” ( 1943)
Cette
nouvelle, écrite par Vercors, raconte la disparition de la mère, puis du père
du jeune narrateur, dans la région de Grenoble, à l’époque de l’Occupation
Allemande et des déportations.
Cet auteur, de
son vrai nom Jean Bruller, a vécu de 1901 à 1991. Il prit le pseudonyme de
Vercors en 1941, alors qu’il abandonne le dessin pour se lancer dans
l’écriture. Le nom de Vercors reste attaché à la nouvelle intitulée “ Le
silence de la mer ”, écrite en 1941 pour ruiner l’esprit de collaboration
que les Allemands voulaient instaurer au début de la guerre.
Enfants à
Bergen Belsen : Camp de concentration établi par les nazis près de Hanovre
et libéré pas les Britanniques qui découvrirent des dizaines de milliers de
mourants et de cadavres (1945)
Dès le début
de la nouvelle, l'enfant est quelque peu surpris, voire inquiet car il sent que
la journée qu'il est en train de vivre ne ressemble pas tout à fait aux autres.
En effet la balade qu’il a souvent l'habitude de faire avec son père en forêt
ne se déroule pas tout à fait comme les autres. L'attitude de son père à
changé ; il lui tient constamment la main : il paraît préoccupé et il
ne parle presque pas. Il marche également plus vite et l'enfant se demande
pourquoi.
Ses sentiments
sont difficiles à cerner. “ Il était content que papa lui tînt la main, parce qu’ainsi on a moins peur, mais
comme il avait peur justement parce que papa lui tenait la main… ”
Au retour de
la promenade, en apercevant de loin la maison, le père se rend compte que le
pot de géranium qui était sur le rebord de la fenêtre de la cuisine n'est plus
là. Le père régit très rapidement en décidant de placer son fils dans une
nouvelle cachette et, sans donner aucune explication à son fils il l'emmène et
le laisse chez madame Bufferand. L’utilisation d’un tel code indique que les
parents se sentaient menacés. Tout indique également que la retraite de
l’enfant a été préparé en prévision de ce qui arrive “ ce jour là ”.
Il s’agit d’un événement connu et redouté de tous que l’on cache à l’enfant.
Celui-ci semble saisir qu'il s'est passé quelque chose d'assez grave ;
sans qu’il sache réellement de quoi il s'agit.
Avant de
repartir le père explique la situation à madame Bufferand, puis fait un dernier
adieu à son fils-“ Papa souleva le petit garçon et le porta sur un lit. Il
lui caressa les cheveux, longtemps, et il l’embrassa très fort et longtemps,
plus fort et plus longtemps que le soir d’habitude ”. Le passage est
particulièrement émouvant, car aucune parole
est échangée ; peut-être pour ne pas inquiéter le fils ou car le père
souffre trop pour parler. Sa douleur passe par l’accentuation des gestes
tendres quotidiens.
Le dernier
paragraphe du récit rajoute une dernière note, particulièrement dramatique.
Madame Bufferand raconte à des amies comment le père a été lui aussi arrêté à
la gare en cherchant à apercevoir sa femme une dernière fois. Le fils surprend
la conversation alors qu’il jouait dans la pièce à côté. Il retourne jouer tout
en pleurant- “ Une larme, tombée sur la plume, glissa, hésita, y resta
suspendue comme une goutte de rosée ”. Le récit se termine par cette
phrase.
La force du récit réside dans le fait que rien
n’est directement écrit, mais que les événements dramatiques soient simplement
suggérés. De plus cette nouvelle est racontée du point de vue de l’enfant, avec
des mots simples, souvent répétés, qui laissent surgir l’émotion de manière inattendue, comme par accident, au
détour d’une phrase. L’enfant comprend lentement, indirectement ce qui se
passe- rien n’est dit, tout est suggéré.
De la même
manière, l’absence d’information concernant la famille rend le récit plus
inquiétant. Les arrestations ne concernent plus tel groupe spécifique (des
Juifs, des résistants, des réfugiés politiques..), mais n’importe quel
individu, n’importe quelle famille…De plus, les responsables de ces
arrestations restent anonymes et mystérieux.
Le lecteur
éprouve un sentiment de compassion pour les victimes, partageant ainsi celui
qu’éprouvent madame Bufferand et ses amies. Il est d’autant plus ému que le
récit met au premier plan un enfant. On comprend mieux, de l’intérieur en
quelque sorte, la souffrance des victimes et l’horreur des arrestations et de
la déportation.